Il s’agit d’un article assez long. Si vous êtes ici dans une démarche de feuilletage d’Internet, je vous invite à vous rendre tout en bas de l’article où la conclusion (juste au-dessus de l’ajout du 16 septembre) résume assez bien tout ce qui va suivre.
Je tiens aussi à préciser que ce que je m’apprête à raconter tient surtout de mon expérience personnelle d’auteure d’Imaginaire. C’est un petit monde à part, notamment en ce que nous ne vendons quasiment rien dans les salons généralistes.
J’écris cet article car, il y a quelques jours, j’ai lu de nouveau une remarque qui devrait me faire très plaisir, mais qui me donne juste envie de me rouler en boule dans un coin sombre.
« C’est chouette que tu viennes à tel salon ! J’ai vraiment hâte de te rencontrer, tu devrais venir plus souvent. »
En général suit une liste de raisons pour lesquelles la région est vraiment géniale, et les salons de la région aussi. S’il vous plaît, soyez convaincu-e que je suis persuadée que votre région est belle, et que j’ai envie de la connaître, et de vous rencontrer, vous et les lectrices et lecteurs qui me font la joie et l’honneur de lire mes livres. Et je suis aussi très consciente que c’est pour vous une façon d’exprimer votre affection pour mes œuvres, les « enfants de mon âme » que je vous confie, et cela me touche.
Alors, pourquoi est-ce que je me sens aussi mal, surtout lorsque la personne insiste ?
Parce qu’il y a là derrière une question d’investissements en termes d’argent, de temps, d’expérience et de compétences, d’énergie et donc de fatigue accumulée et d’espoirs déçus – bref, un besoin de reconnaissance de tout ce que j’ai déjà donné pour des résultats faibles – qui n’est pas validée. Je pense que la façon dont cela fonctionne – d’être présent à un salon, de venir faire une dédicace en librairie – est très peu connue et que les gens n’y songent pas forcément.
La Communication Non Violente a un grand principe que j’aime beaucoup : si tu ne dis pas tes Besoins, ne t’attends pas à ce que l’autre les devine. J’espère qu’après que vous avez lu cet article, vous comprendrez pourquoi vous aurez plus de chances que votre demande soit entendue en l’adressant à un salon qu’en l’adressant à un-e auteur-e. Pourquoi aussi, cela me touchera beaucoup plus, immensément plus, que vous m’écriviez : « J’aime tes livres et ça serait chouette de te rencontrer. Du coup, j’ai envoyé un mail à l’organisation de tel salon ou festival, j’espère vraiment qu’ils t’inviteront ! » Rien que de relire cette phrase, mon cœur se gonfle de gratitude. Oui oui, alors que ce n’est qu’un exemple écrit par moi-même, mais c’est tellement ce dont j’ai besoin, et ce qui me serait un réel soutien !
J’ai commencé à tenir des stands lors de salons en 2005. À l’époque, il s’agissait surtout de filer un coup de main à l’association MéluZine, qui œuvre à la promotion des fanzines et tout petits éditeurs. J’ai créé en 2007 l’antenne SFFF, dont je me suis occupée trois ans.
Dans ce cadre, je faisais surtout des salons en région parisienne (j’habitais à Bagneux). Les quelques trajets et une ou deux nuits d’hôtel que j’ai faits en-dehors ont été payés par l’association.
Ce fut une expérience qui m’a enrichie en termes de compétences. J’ai appris à mener une table ronde, à coorganiser un événement et à y proposer des animations adaptées (G.A.M.E. in Paris 2007, les premières participations de l’association Lutetia Lacrymae à la Japan Expo, etc.) et à négocier en échange des stands gratuits.
Lors de la création du festival Zone franche, je travaillais alors en CDD à la médiathèque. J’ai naturellement servi de lien avec MéluZine. En 24 heures, j’ai pu présenter une liste fournie d’associations et de petites maisons représentatives du milieu (l’organisatrice connaissait principalement celles présentes aux Rencontres de l’Imaginaire de Sèvres). J’ai également soumis des idées d’activités (concours de nouvelles, d’illustrations…) et apporté mes conseils aux propositions faites par l’organisatrice pour mettre en avant les jeunes auteurs, comme le prix annuel de la nouvelle.
Bref, ça commençait plutôt bien, me direz-vous. 🙂
J’ai arrêté mes activités chez MéluZine pour me consacrer en 2009 à une association de fanzines que j’ai fondée : Transition. Nous publiions notamment les titres Éveil et Pénombres. J’ai aussi commencé à penser à moi en tant qu’auteure.
C’est une période un peu floue. Évidemment, je payais tout de ma poche. Les auteur-e-s et illustrateurs/trices qui venaient le faisaient de façon totalement bénévole, et payaient elles/eux aussi. J’ai continué à proposer des activités, à rendre des coups de main, à négocier du mieux possible pour avoir des stands gratuits ou à prix réduits. Ainsi, une année aux Imaginales, j’ai proposé à deux autres associations (Borderline et Éclats de rêves) qu’on se mutualise pour un stand. J’ai participé à des tables rondes, cette fois-ci en tant que « questionnée » et non « questionnante ». J’ai fait ma première interview radio.
Petit à petit, j’ai évolué en donnant plus d’importance à mon activité d’auteure qu’à celle d’éditrice, au point de passer la main et de confier Transition à une équipe composée de membres de la première heure (et que je remercie et salue au passage !).
J’ai continué à payer mes déplacements et mes logements sur place. J’ai été invitée environ une fois par an (attention, on va parler sous, puisqu’il est quand même bien question de ça) :
- en 2012, à Octogônes. Le billet de train aller-retour a été pris pour moi, mon compagnon a pris les siens à part. Nous avons logé chez l’habitant et l’on m’a fourni les déjeuners.
À part une présence aux horaires du festival pendant les trois jours (la base lorsqu’on est invité-e à un salon, aussi je n’en reparlerai-je pas pour les suivants), il n’a rien été demandé.
- en 2012, au Val’joly Imaginaire. On m’a payé, ainsi qu’à mon compagnon, le voyage depuis Lille, ainsi que le logement en bungalow et les repas. Je me suis occupé de nos allers-retours en avion depuis Toulouse (on a quand même pris quelques jours de vacances pour visiter Lille et ne pas avoir traversé la France et payé des vols à près de 300 euros, cela pour passer deux jours derrière un stand).
J’ai tenu une conférence et réalisé un spectacle de contes.
- en 2014, aux Imaginales. Tout a été payé depuis mon départ de Toulouse : l’avion, la voiture, l’hôtel, les repas. Concernant le logement et la voiture (et en se serrant sur les tickets-repas), la part de mon compagnon a été prise aussi – mais ses billets d’avion ont été pour nous. Une soirée spéciale invités était également organisée.
J’ai participé à plusieurs tables rondes. En amont du salon, j’ai proposé des exemples de tables rondes, pour donner des idées de thématiques sur lesquelles je pouvais intervenir à une organisation qui ne connaissait peut-être pas mes écrits en détail. Une de mes propositions a été retenue : la table ronde « Magie d’autrefois, imaginaire d’aujourd’hui : des échos du paganisme ancien ? ». Lorsque je l’ai appris, j’ai regardé quel-le-s participant-e-s aux éditions précédents pouvaient être concerné-e-s par ce thème et j’ai proposé Krystal Camprubi et Cécile Guillot, qui ont effectivement été choisies, mais aussi Nathalie Dau, malheureusement absente cette année-là, et quelques autres.
- en 2015, au Bordeaux Geek Festival. Le trajet en voiture, compris dans les conditions de départ, m’a été défrayé après plusieurs échanges de mails (cette précision est là pour souligner que tout cela nous demande aussi d’investir du temps, parfois plus que ce qu’on pensait à la base – et encore, dans ce cas, c’est juste que l’organisation était débordée ; j’ai aussi eu des cas où je n’ai pas reçu ce qui était prévu dans les conditions de l’accord) ; l’hôtel et les repas ont été pris en charge. Nous avons eu accès à l’espace VIP, à un sac de bienvenue avec quelques cadeaux, et à une carte de tramway aller-retour pour aller manger en ville le soir, si on le souhaitait. Mon compagnon a bénéficié de tous ces avantages (pour le trajet, c’était plus simple puisque le coût restait le même).
En échange, j’ai créé et présenté un spectacle de contes que j’ai joué deux fois. J’ai monté pour cette occasion une conférence : « L’Évolution de la figure du vampire selon la pyramide des besoins de Maslow ». J’ai participé à une table ronde. En amont de celle-ci, j’ai discuté avec l’animateur : c’était la première fois qu’il s’occupait d’une table ronde de l’Imaginaire. Je lui ai donné quelques conseils et j’ai préparé ses questions avec lui. J’ai trouvé un intervenant de dernière minute pour parler de la fantasy (quand je vous disais qu’un invité qui connaît le milieu de l’Imaginaire est un plus) et, quand l’animateur a été appelé en catastrophe alors que la table ronde n’était pas terminée, j’ai pris le micro et j’ai officié à la fois en tant qu’invitée et comme animatrice, au pied levé.
- en 2016, aux Halliennales. Bon, là, ce n’est pas encore passé, mais le trajet en avion depuis Toulouse et jusqu’à Lille (aller-retour) est payé, ainsi que le transport sur place et une nuit d’hôtel. Je pense que le déjeuner le sera aussi. Ma maison d’édition paie la seconde nuit d’hôtel.
Pour l’instant, ces cas exceptionnels concernent un salon par an, et ça veut dire que je fais un salon loin de chez moi une fois par année, et que ce n’est pas un choix – c’est ce qu’on me propose.
Après, il y a aussi les prises en charge « mixtes ». Cette année, pour la première fois de ma petite vie d’auteure, j’ai été publiée dans une maison d’édition qui peut prendre en charge quelques frais de déplacement et de logement. Juste « quelques », car je suis encore une toute petite auteure et que ça dépend aussi du nombre de ventes qu’on prévoit de faire : évidemment, si on pense qu’à un salon, tel auteur va vendre cinq ou six livres, on ne va pas l’y envoyer, ça revient beaucoup trop cher pour peu de bénéfices, ni même d’avantages en communication.
Grâce à tout cela, j’ai pu, pour le Bordeaux Geek Festival de cette année 2016 : être hébergée par des amis, la maison d’édition Flammèche que je salue ; être défrayée du trajet par Pygmalion ; avoir des entrées gratuites et les sandwiches du midi, ainsi qu’un sac de bienvenue et l’accès personnel à l’espace VIP par l’organisation du salon.
Inutile de vous préciser que c’est beaucoup de temps, d’échanges de mails pour un salon, et que je ne le ferai pas plus d’une ou deux fois par an. Autre petit rappel d’importance : je ne touche qu’un euro par livre vendu, même en salon. Pour tous ces efforts et cette organisation, pour les trois (3) jours de festival, je vais toucher 20 euros.
[Par souci honnêteté et de transparence, j’aborde ici le sujet des exemplaires vendus à prix d’auteur. Il arrive que des maisons d’édition nous permettent d’acheter nos propres livres à un tarif réduit (en général, -40% sur le prix HT). Déjà, ce ne sont pas toutes les maisons. De plus, les conditions de revente sont draconiennes. Le plus souvent, cette disposition permet de pallier à l’absence de librairie sur un salon ou une manifestation. Nous touchons plus d’argent dans ce cas de figure. Toutefois, nous ne touchons pas la totalité de ces 40% (je rappelle que c’est sur le prix hors taxe, c’est-à-dire le prix de vente au public moins 5,5%). De plus, les frais d’envoi sont à notre charge, ce qui est tout à fait normal. En fait, dans ce cas, nous devenons une sorte de sous-distributeur ou de succédané de libraire. En d’autres termes, nous assurons une deuxième fonction en plus de notre métier d’auteur-e, qui consiste à écrire des livres et à participer, dans une mesure raisonnable, à leur promotion – non à en assurer l’encaissement. C’est cette part-là que nous touchons.]
Voilà. Pour tous les autres salons, les dédicaces en librairie, l’ensemble des frais était à ma charge (hormis, souvent, le plateau-repas ou le sandwich du déjeuner).
En parlant de sandwich : un festival connu a refusé de m’inviter (j’habitais dans leur ville) parce qu’ils avaient déjà bouclé les invitations et que cela aurait ajouté des frais. Quand j’ai demandé lesquels, on m’a répondu : le sandwich du midi. Cet aparté démontre l’épuisement moral que peuvent engendrer des négociations avec des organisations qui, parfois, semblent juste nous prendre pour des imbéciles et des moins-que-rien, du jetable. C’est un exemple, plutôt amusant en somme. J’en ai d’autres, et de telles expériences contribuent au fait que je n’ai plus envie de contacter des festivals et des salons, surtout lorsqu’ils ne semblent pas ouverts à la venue d’auteur-e-s d’Imaginaire qui ne répondent pas à leurs critères.
On peut noter aussi que ces journées représentent des heures de présence et des interventions, y compris les conférences et les spectacles de contes qui demandent plusieurs heures de travail en amont – oui, du travail, de la réflexion et des répétitions –, pour lesquelles je ne suis pas payée. Le défraiement et les invitations étaient jusqu’ici compris comme notre paie.
En ce qui concerne les interventions, cela est en train de changer avec les nouvelles dispositions mises en place depuis janvier 2016.
Alinsi, depuis 2014, je ne vais plus qu’aux salons et festivals pour lesquels je suis invitée ou proches de chez moi. Exceptionnellement, il m’arrive de faire une dédicace plus loin, sur mes lieux de vacances (donc, ça veut dire que pendant mes vacances, je vais travailler au moins une demi-journée, avec la communication avant et après ; ça veut dire que je ne « décroche » pas vraiment).
Pourquoi ? Parce que pour les années 2012 et 2013, je me suis aperçue que ce que je touchais en droits d’auteurs correspondait, à peu de choses près, aux montants que je dépensais pour aller à des salons. Les droits d’auteurs se touchent chaque année sur l’ensemble des romans (et eLivres et quelques anthologies) publiés depuis qu’on a commencé à être édité, pas seulement sur le dernier en date. Tout cet argent était entièrement « mangé » par les frais de route et d’hébergement.
Ça veut dire que je ne touchais rien pour des mois passés à écrire, pour le temps consacré à démarcher les salons, les festivals et les librairies, pour les journées à tenir un stand, pour la gestion du site et de la communication sur les réseaux sociaux, pour les heures à répondre aux interviews, les heures de recherches pour mes textes aussi et pour tenter de me perfectionner, parce qu’une œuvre ne prend pas uniquement le temps devant l’ordinateur, mais beaucoup plus. C’est du temps de travail. Du temps que je ne passe pas à faire des choses amusantes, ou à m’occuper de moi ni de mes proches. Ce sont des tâches qui demandent des compétences professionnelles, et semaines et des semaines d’efforts pour lesquels je n’ai pas été payée.
Pendant un temps, j’ai vu ça comme un investissement, de la même façon qu’un étudiant bosse plusieurs années et investit son temps, son argent et ses effort dans un but. Mais, au bout de dix ans à faire des salons, à montrer mes compétences, à avoir tenu et participé à des tables rondes, fait des lectures publiques, des spectacles de contes, à avoir présenté des conférences, monté des activités, j’ai estimé au bout d’un moment que là, mes preuves étaient faites, et que si je n’arrêtais pas de tout payer par moi-même, on ne m’inviterait pas.
Ce qui est normal : pourquoi payer pour un service tant que celui-ci est rendu gratuitement ?
Alors voilà : je fais moins de salons. Je ne viens pas par chez vous. Et non parce que ça ne m’intéresse pas, au contraire ! Parce que pour cela, je demande à être défrayée. Pour que je puisse essayer de vivre en partie (réussir à vivre complètement de son écriture est une autre question) d’un travail qui me prend des mois et avec lequel je ne déconnecte jamais tout à fait. Et qui est un travail. Car oui, au final, je passe autant de temps à négocier, communiquer, mailer, discuter qu’à écrire ; et qu’écrire me demande des compétences pour lesquelles j’ai suivi des formations, et pour lesquelles je me forme sans cesse ; parce que tout cela me demande aussi de faire des choix, des sacrifices – comme tout travail. Alors j’aimerais en toucher la paie.
La fameuse conclusion
Aussi, s’il vous plaît, au lieu de demander à un-e auteur-e de venir dans votre région, tournez-vous plutôt vers votre salon ou votre festival préféré pour lui demander d’inviter cet-te auteur-e. Très souvent, nous, les auteur-e-s, répondrons : « Oui, bien volontiers! » et l’on attend cela avec joie et espoir – beaucoup d’espoir… 🙂
Ajout (au 16/09) : Parce que suite au partage de cet article sur les réseaux sociaux, on m’a proposé de venir à un salon (et non « invitée » – à présent, vous situez la différence et toutes ses implications). Si si, vous avez bien lu… XD
La personne qui m’a proposé cela a émis l’hypothèse suivante : comme l’organisation est bénévole et qu’ils n’ont pas de financement, nous aussi, nous devons être bénévoles. Parce qu’après tout, nous défendons la culture dans un monde méchant et ignare.
Je conçois qu’au début de sa carrière, un-e auteur-e fasse les déplacements à ses frais et des interventions (c’est-à-dire, du travail : dites à un ancien politicien que sa conférence ne sera pas payée, on va voir s’il le prend bien ; ou à un chercheur, ou à un coach de vie…), des heures de travail donc, pas même compensées par un défraiement. Quand on débute, on n’est pas sûr-e de nous, on ne connaît personne… Je le vois comme l’équivalent d’un stage, où l’on apprend comment agir dans le milieu, où l’on commence à rencontrer des personnes et à se construire un réseau, où l’on apprend et s’entraîne aux techniques d’expression en public. Mais comme les stages, cela n’a qu’un temps.
Demander à un-e auteur-e de venir gratuitement à un salon, surtout quand celui-ci est à plus d’une heure de route, cela signifie : que l’auteur-e paie pour venir vendre des livres, lesquels lui rapporteront au mieux 20 euros (pour un-e auteur-e « normal-e »). Et encore, je suis optimiste. Sur deux jours (2 journées où notre travail nous oblige à nous tenir derrière une table du matin au soir et à sourire aux gens qui passent), dans un village ou une petite ville, je table plutôt sur 8 ou 10. Bref, je reprends : demander à un-e auteur-e de payer pour venir à un salon sous prétexte que le salon est organisé par des bénévoles, c’est simplement dire qu’être écrivain-e, romancier/ère, n’est pas un métier. C’est partir du même postulat que ceux qui veulent détruire la culture et dire que le premier venu (ok, sur un coup de bol, le premier venu peut être bien tombé, mais vous aurez compris l’idée) peut écrire une bonne œuvre, c’est nier qu’il existe des méthodes d’écriture, des formations, qu’on peut s’entraîner, s’améliorer, que cela nécessite des compétences diverses et d’engranger des connaissances dans des domaines qui ne nous intéressent pas forcément, mais qui sont nécessaires.
Dire : « Payez pour venir (eux disent « venez bénévolement ») à mon salon », c’est dire : « La culture est un sous-produit qu’on peut déléguer à n’importe qui. Tout le travail et l’accumulation de compétences (c’est-à-dire, une appropriation et un approfondissement de divers faisceaux culturels) que vous avez accomplis jusqu’ici ne valent absolument rien. »
Encore une fois, quand il s’agit d’un petit salon à côté de chez soi, les choses sont un peu différentes, ce ne sont pas tout à fait les mêmes enjeux – bien que je continue à penser qu’une intervention de type conférence ou lecture publique doit être rémunérée, parce qu’il s’agit bel et bien de compétences professionnelles.
À dire vrai, à titre personnel, quand un salon qui a lieu à une demi-heure, trois quarts d’heure de route me demande si je peux venir (sans me rémunérer ni me défrayer, donc un travail sans paie), en général, j’accepte pour le temps d’une journée. Parce que je suis sensible à la diffusion et au partage de la culture – or, et bien que cela puisse paraître paradoxal, cet article défend la culture et sa transmission dans des conditions saines. Mais offrir (par expérience, en salon généraliste, les ventes de mes livres rapportent juste de quoi payer le trajet aller-retour) aux gens de ma région une journée de travail de temps en temps, j’estime que c’est déjà bien et que je n’ai pas à dépenser mon propre argent pour faire vivre la culture dans une ville alors que ni la mairie, ni la région, ni les divers mécènes et partenaires ne le font. Parmi tous ces acteurs, sans compter les visiteurs du festival eux-mêmes et les potentielles librairies, pourquoi serait-ce à l’auteur-e, la personne qui permet, à la base, que le salon ait lieu, de payer pour y travailler gratuitement ?
Enfin, pour rendre les choses peut-être plus claires : je suis bénévole. Pour une association que j’ai choisie, dont je défends l’esprit et les entreprises, qui touche un domaine qui me passionne. Et qui n’a rien à voir avec mon métier d’auteure. Je vais tenir des stands, je fais le tour des boutiques en ville pour leur demander si elles veulent bien prendre nos flyers, je corrige leurs communiqués, je me lève plus tôt et je pars plus tard pour installer les stands lors des festivals. Il y a d’un côté cette passion que je cherche à faire connaître au-delà des préjugés, et de l’autre, il y a mon métier. Mon métier.
Apparemment, dans certain milieu culturel, il semblerait que ce mot soit trop compliqué à comprendre.