Ma venue aux salons est surtout une question d’argent

Il s’agit d’un article assez long. Si vous êtes ici dans une démarche de feuilletage d’Internet, je vous invite à vous rendre tout en bas de l’article où la conclusion (juste au-dessus de l’ajout du 16 septembre) résume assez bien tout ce qui va suivre.
Je tiens aussi à préciser que ce que je m’apprête à raconter tient surtout de mon expérience personnelle d’auteure d’Imaginaire. C’est un petit monde à part, notamment en ce que nous ne vendons quasiment rien dans les salons généralistes.

 

J’écris cet article car, il y a quelques jours, j’ai lu de nouveau une remarque qui devrait me faire très plaisir, mais qui me donne juste envie de me rouler en boule dans un coin sombre.
« C’est chouette que tu viennes à tel salon ! J’ai vraiment hâte de te rencontrer, tu devrais venir plus souvent. »
En général suit une liste de raisons pour lesquelles la région est vraiment géniale, et les salons de la région aussi. S’il vous plaît, soyez convaincu-e que je suis persuadée que votre région est belle, et que j’ai envie de la connaître, et de vous rencontrer, vous et les lectrices et lecteurs qui me font la joie et l’honneur de lire mes livres. Et je suis aussi très consciente que c’est pour vous une façon d’exprimer votre affection pour mes œuvres, les « enfants de mon âme » que je vous confie, et cela me touche.
Alors, pourquoi est-ce que je me sens aussi mal, surtout lorsque la personne insiste ?

Parce qu’il y a là derrière une question d’investissements en termes d’argent, de temps, d’expérience et de compétences, d’énergie et donc de fatigue accumulée et d’espoirs déçus – bref, un besoin de reconnaissance de tout ce que j’ai déjà donné pour des résultats faibles – qui n’est pas validée. Je pense que la façon dont cela fonctionne – d’être présent à un salon, de venir faire une dédicace en librairie – est très peu connue et que les gens n’y songent pas forcément.
La Communication Non Violente a un grand principe que j’aime beaucoup : si tu ne dis pas tes Besoins, ne t’attends pas à ce que l’autre les devine. J’espère qu’après que vous avez lu cet article, vous comprendrez pourquoi vous aurez plus de chances que votre demande soit entendue en l’adressant à un salon qu’en l’adressant à un-e auteur-e. Pourquoi aussi, cela me touchera beaucoup plus, immensément plus, que vous m’écriviez : « J’aime tes livres et ça serait chouette de te rencontrer. Du coup, j’ai envoyé un mail à l’organisation de tel salon ou festival, j’espère vraiment qu’ils t’inviteront ! » Rien que de relire cette phrase, mon cœur se gonfle de gratitude. Oui oui, alors que ce n’est qu’un exemple écrit par moi-même, mais c’est tellement ce dont j’ai besoin, et ce qui me serait un réel soutien !

 

J’ai commencé à tenir des stands lors de salons en 2005. À l’époque, il s’agissait surtout de filer un coup de main à l’association MéluZine, qui œuvre à la promotion des fanzines et tout petits éditeurs. J’ai créé en 2007 l’antenne SFFF, dont je me suis occupée trois ans.
Dans ce cadre, je faisais surtout des salons en région parisienne (j’habitais à Bagneux). Les quelques trajets et une ou deux nuits d’hôtel que j’ai faits en-dehors ont été payés par l’association.
Ce fut une expérience qui m’a enrichie en termes de compétences. J’ai appris à mener une table ronde, à coorganiser un événement et à y proposer des animations adaptées (G.A.M.E. in Paris 2007, les premières participations de l’association Lutetia Lacrymae à la Japan Expo, etc.) et à négocier en échange des stands gratuits.
Lors de la création du festival Zone franche, je travaillais alors en CDD à la médiathèque. J’ai naturellement servi de lien avec MéluZine. En 24 heures, j’ai pu présenter une liste fournie d’associations et de petites maisons représentatives du milieu (l’organisatrice connaissait principalement celles présentes aux Rencontres de l’Imaginaire de Sèvres). J’ai également soumis des idées d’activités (concours de nouvelles, d’illustrations…) et apporté mes conseils aux propositions faites par l’organisatrice pour mettre en avant les jeunes auteurs, comme le prix annuel de la nouvelle.

Bref, ça commençait plutôt bien, me direz-vous.  🙂

J’ai arrêté mes activités chez MéluZine pour me consacrer en 2009 à une association de fanzines que j’ai fondée : Transition. Nous publiions notamment les titres Éveil et Pénombres. J’ai aussi commencé à penser à moi en tant qu’auteure.
C’est une période un peu floue. Évidemment, je payais tout de ma poche. Les auteur-e-s et illustrateurs/trices qui venaient le faisaient de façon totalement bénévole, et payaient elles/eux aussi. J’ai continué à proposer des activités, à rendre des coups de main, à négocier du mieux possible pour avoir des stands gratuits ou à prix réduits. Ainsi, une année aux Imaginales, j’ai proposé à deux autres associations (Borderline et Éclats de rêves) qu’on se mutualise pour un stand. J’ai participé à des tables rondes, cette fois-ci en tant que « questionnée » et non « questionnante ». J’ai fait ma première interview radio.
Petit à petit, j’ai évolué en donnant plus d’importance à mon activité d’auteure qu’à celle d’éditrice, au point de passer la main et de confier Transition à une équipe composée de membres de la première heure (et que je remercie et salue au passage !).

 

J’ai continué à payer mes déplacements et mes logements sur place. J’ai été invitée environ une fois par an (attention, on va parler sous, puisqu’il est quand même bien question de ça) :

  • en 2012, à Octogônes. Le billet de train aller-retour a été pris pour moi, mon compagnon a pris les siens à part. Nous avons logé chez l’habitant et l’on m’a fourni les déjeuners.
    À part une présence aux horaires du festival pendant les trois jours (la base lorsqu’on est invité-e à un salon, aussi je n’en reparlerai-je pas pour les suivants), il n’a rien été demandé.
  • en 2012, au Val’joly Imaginaire. On m’a payé, ainsi qu’à mon compagnon, le voyage depuis Lille, ainsi que le logement en bungalow et les repas. Je me suis occupé de nos allers-retours en avion depuis Toulouse (on a quand même pris quelques jours de vacances pour visiter Lille et ne pas avoir traversé la France et payé des vols à près de 300 euros, cela pour passer deux jours derrière un stand).
    J’ai tenu une conférence et réalisé un spectacle de contes.
  • en 2014, aux Imaginales. Tout a été payé depuis mon départ de Toulouse : l’avion, la voiture, l’hôtel, les repas. Concernant le logement et la voiture (et en se serrant sur les tickets-repas), la part de mon compagnon a été prise aussi – mais ses billets d’avion ont été pour nous. Une soirée spéciale invités était également organisée.
    J’ai participé à plusieurs tables rondes. En amont du salon, j’ai proposé des exemples de tables rondes, pour donner des idées de thématiques sur lesquelles je pouvais intervenir à une organisation qui ne connaissait peut-être pas mes écrits en détail. Une de mes propositions a été retenue : la table ronde « Magie d’autrefois, imaginaire d’aujourd’hui : des échos du paganisme ancien ? ». Lorsque je l’ai appris, j’ai regardé quel-le-s participant-e-s aux éditions précédents pouvaient être concerné-e-s par ce thème et j’ai proposé Krystal Camprubi et Cécile Guillot, qui ont effectivement été choisies, mais aussi Nathalie Dau, malheureusement absente cette année-là, et quelques autres.
  • en 2015, au Bordeaux Geek Festival. Le trajet en voiture, compris dans les conditions de départ, m’a été défrayé après plusieurs échanges de mails (cette précision est là pour souligner que tout cela nous demande aussi d’investir du temps, parfois plus que ce qu’on pensait à la base – et encore, dans ce cas, c’est juste que l’organisation était débordée ; j’ai aussi eu des cas où je n’ai pas reçu ce qui était prévu dans les conditions de l’accord) ; l’hôtel et les repas ont été pris en charge. Nous avons eu accès à l’espace VIP, à un sac de bienvenue avec quelques cadeaux, et à une carte de tramway aller-retour pour aller manger en ville le soir, si on le souhaitait. Mon compagnon a bénéficié de tous ces avantages (pour le trajet, c’était plus simple puisque le coût restait le même).
    En échange, j’ai créé et présenté un spectacle de contes que j’ai joué deux fois. J’ai monté pour cette occasion une conférence : « L’Évolution de la figure du vampire selon la pyramide des besoins de Maslow ». J’ai participé à une table ronde. En amont de celle-ci, j’ai discuté avec l’animateur : c’était la première fois qu’il s’occupait d’une table ronde de l’Imaginaire. Je lui ai donné quelques conseils et j’ai préparé ses questions avec lui. J’ai trouvé un intervenant de dernière minute pour parler de la fantasy (quand je vous disais qu’un invité qui connaît le milieu de l’Imaginaire est un plus) et, quand l’animateur a été appelé en catastrophe alors que la table ronde n’était pas terminée, j’ai pris le micro et j’ai officié à la fois en tant qu’invitée et comme animatrice, au pied levé.
  • en 2016, aux Halliennales. Bon, là, ce n’est pas encore passé, mais le trajet en avion depuis Toulouse et jusqu’à Lille (aller-retour) est payé, ainsi que le transport sur place et une nuit d’hôtel. Je pense que le déjeuner le sera aussi. Ma maison d’édition paie la seconde nuit d’hôtel.

Pour l’instant, ces cas exceptionnels concernent un salon par an, et ça veut dire que je fais un salon loin de chez moi une fois par année, et que ce n’est pas un choix – c’est ce qu’on me propose.

Après, il y a aussi les prises en charge « mixtes ». Cette année, pour la première fois de ma petite vie d’auteure, j’ai été publiée dans une maison d’édition qui peut prendre en charge quelques frais de déplacement et de logement. Juste « quelques », car je suis encore une toute petite auteure et que ça dépend aussi du nombre de ventes qu’on prévoit de faire : évidemment, si on pense qu’à un salon, tel auteur va vendre cinq ou six livres, on ne va pas l’y envoyer, ça revient beaucoup trop cher pour peu de bénéfices, ni même d’avantages en communication.
Grâce à tout cela, j’ai pu, pour le Bordeaux Geek Festival de cette année 2016 : être hébergée par des amis, la maison d’édition Flammèche que je salue ; être défrayée du trajet par Pygmalion ; avoir des entrées gratuites et les sandwiches du midi, ainsi qu’un sac de bienvenue et l’accès personnel à l’espace VIP par l’organisation du salon.
Inutile de vous préciser que c’est beaucoup de temps, d’échanges de mails pour un salon, et que je ne le ferai pas plus d’une ou deux fois par an. Autre petit rappel d’importance : je ne touche qu’un euro par livre vendu, même en salon. Pour tous ces efforts et cette organisation, pour les trois (3) jours de festival, je vais toucher 20 euros.

[Par souci honnêteté et de transparence, j’aborde ici le sujet des exemplaires vendus à prix d’auteur. Il arrive que des maisons d’édition nous permettent d’acheter nos propres livres à un tarif réduit (en général, -40% sur le prix HT). Déjà, ce ne sont pas toutes les maisons. De plus, les conditions de revente sont draconiennes. Le plus souvent, cette disposition permet de pallier à l’absence de librairie sur un salon ou une manifestation. Nous touchons plus d’argent dans ce cas de figure. Toutefois, nous ne touchons pas la totalité de ces 40% (je rappelle que c’est sur le prix hors taxe, c’est-à-dire le prix de vente au public moins 5,5%). De plus, les frais d’envoi sont à notre charge, ce qui est tout à fait normal. En fait, dans ce cas, nous devenons une sorte de sous-distributeur ou de succédané de libraire. En d’autres termes, nous assurons une deuxième fonction en plus de notre métier d’auteur-e, qui consiste à écrire des livres et à participer, dans une mesure raisonnable, à leur promotion – non à en assurer l’encaissement. C’est cette part-là que nous touchons.]

 

Voilà. Pour tous les autres salons, les dédicaces en librairie, l’ensemble des frais était à ma charge (hormis, souvent, le plateau-repas ou le sandwich du déjeuner).
En parlant de sandwich : un festival connu a refusé de m’inviter (j’habitais dans leur ville) parce qu’ils avaient déjà bouclé les invitations et que cela aurait ajouté des frais. Quand j’ai demandé lesquels, on m’a répondu : le sandwich du midi. Cet aparté démontre l’épuisement moral que peuvent engendrer des négociations avec des organisations qui, parfois, semblent juste nous prendre pour des imbéciles et des moins-que-rien, du jetable. C’est un exemple, plutôt amusant en somme. J’en ai d’autres, et de telles expériences contribuent au fait que je n’ai plus envie de contacter des festivals et des salons, surtout lorsqu’ils ne semblent pas ouverts à la venue d’auteur-e-s d’Imaginaire qui ne répondent pas à leurs critères.

On peut noter aussi que ces journées représentent des heures de présence et des interventions, y compris les conférences et les spectacles de contes qui demandent plusieurs heures de travail en amont – oui, du travail, de la réflexion et des répétitions –, pour lesquelles je ne suis pas payée. Le défraiement et les invitations étaient jusqu’ici compris comme notre paie.
En ce qui concerne les interventions, cela est en train de changer avec les nouvelles dispositions mises en place depuis janvier 2016.

 

Alinsi, depuis 2014, je ne vais plus qu’aux salons et festivals pour lesquels je suis invitée ou proches de chez moi. Exceptionnellement, il m’arrive de faire une dédicace plus loin, sur mes lieux de vacances (donc, ça veut dire que pendant mes vacances, je vais travailler au moins une demi-journée, avec la communication avant et après ; ça veut dire que je ne « décroche » pas vraiment).

Pourquoi ? Parce que pour les années 2012 et 2013, je me suis aperçue que ce que je touchais en droits d’auteurs correspondait, à peu de choses près, aux montants que je dépensais pour aller à des salons. Les droits d’auteurs se touchent chaque année sur l’ensemble des romans (et eLivres et quelques anthologies) publiés depuis qu’on a commencé à être édité, pas seulement sur le dernier en date. Tout cet argent était entièrement « mangé » par les frais de route et d’hébergement.
Ça veut dire que je ne touchais rien pour des mois passés à écrire, pour le temps consacré à démarcher les salons, les festivals et les librairies, pour les journées à tenir un stand, pour la gestion du site et de la communication sur les réseaux sociaux, pour les heures à répondre aux interviews, les heures de recherches pour mes textes aussi et pour tenter de me perfectionner, parce qu’une œuvre ne prend pas uniquement le temps devant l’ordinateur, mais beaucoup plus. C’est du temps de travail. Du temps que je ne passe pas à faire des choses amusantes, ou à m’occuper de moi ni de mes proches. Ce sont des tâches qui demandent des compétences professionnelles, et semaines et des semaines d’efforts pour lesquels je n’ai pas été payée.

Pendant un temps, j’ai vu ça comme un investissement, de la même façon qu’un étudiant bosse plusieurs années et investit son temps, son argent et ses effort dans un but. Mais, au bout de dix ans à faire des salons, à montrer mes compétences, à avoir tenu et participé à des tables rondes, fait des lectures publiques, des spectacles de contes, à avoir présenté des conférences, monté des activités, j’ai estimé au bout d’un moment que là, mes preuves étaient faites, et que si je n’arrêtais pas de tout payer par moi-même, on ne m’inviterait pas.
Ce qui est normal : pourquoi payer pour un service tant que celui-ci est rendu gratuitement ?

 

Alors voilà : je fais moins de salons. Je ne viens pas par chez vous. Et non parce que ça ne m’intéresse pas, au contraire ! Parce que pour cela, je demande à être défrayée. Pour que je puisse essayer de vivre en partie (réussir à vivre complètement de son écriture est une autre question) d’un travail qui me prend des mois et avec lequel je ne déconnecte jamais tout à fait. Et qui est un travail. Car oui, au final, je passe autant de temps à négocier, communiquer, mailer, discuter qu’à écrire ; et qu’écrire me demande des compétences pour lesquelles j’ai suivi des formations, et pour lesquelles je me forme sans cesse ; parce que tout cela me demande aussi de faire des choix, des sacrifices – comme tout travail. Alors j’aimerais en toucher la paie.

La fameuse conclusion

Aussi, s’il vous plaît, au lieu de demander à un-e auteur-e de venir dans votre région, tournez-vous plutôt vers votre salon ou votre festival préféré pour lui demander d’inviter cet-te auteur-e. Très souvent, nous, les auteur-e-s, répondrons : « Oui, bien volontiers! » et l’on attend cela avec joie et espoir – beaucoup d’espoir…  🙂

 

Ajout (au 16/09) : Parce que suite au partage de cet article sur les réseaux sociaux, on m’a proposé de venir à un salon (et non « invitée » – à présent, vous situez la différence et toutes ses implications). Si si, vous avez bien lu…  XD
La personne qui m’a proposé cela a émis l’hypothèse suivante : comme l’organisation est bénévole et qu’ils n’ont pas de financement, nous aussi, nous devons être bénévoles. Parce qu’après tout, nous défendons la culture dans un monde méchant et ignare.
Je conçois qu’au début de sa carrière, un-e auteur-e fasse les déplacements à ses frais et des interventions (c’est-à-dire, du travail : dites à un ancien politicien que sa conférence ne sera pas payée, on va voir s’il le prend bien ; ou à un chercheur, ou à un coach de vie…), des heures de travail donc, pas même compensées par un défraiement. Quand on débute, on n’est pas sûr-e de nous, on ne connaît personne… Je le vois comme l’équivalent d’un stage, où l’on apprend comment agir dans le milieu, où l’on commence à rencontrer des personnes et à se construire un réseau, où l’on apprend et s’entraîne aux techniques d’expression en public. Mais comme les stages, cela n’a qu’un temps.
Demander à un-e auteur-e de venir gratuitement à un salon, surtout quand celui-ci est à plus d’une heure de route, cela signifie : que l’auteur-e paie pour venir vendre des livres, lesquels lui rapporteront au mieux 20 euros (pour un-e auteur-e « normal-e »). Et encore, je suis optimiste. Sur deux jours (2 journées où notre travail nous oblige à nous tenir derrière une table du matin au soir et à sourire aux gens qui passent), dans un village ou une petite ville, je table plutôt sur 8 ou 10. Bref, je reprends : demander à un-e auteur-e de payer pour venir à un salon sous prétexte que le salon est organisé par des bénévoles, c’est simplement dire qu’être écrivain-e, romancier/ère, n’est pas un métier. C’est partir du même postulat que ceux qui veulent détruire la culture et dire que le premier venu (ok, sur un coup de bol, le premier venu peut être bien tombé, mais vous aurez compris l’idée) peut écrire une bonne œuvre, c’est nier qu’il existe des méthodes d’écriture, des formations, qu’on peut s’entraîner, s’améliorer, que cela nécessite des compétences diverses et d’engranger des connaissances dans des domaines qui ne nous intéressent pas forcément, mais qui sont nécessaires.
Dire : « Payez pour venir (eux disent « venez bénévolement ») à mon salon », c’est dire : « La culture est un sous-produit qu’on peut déléguer à n’importe qui. Tout le travail et l’accumulation de compétences (c’est-à-dire, une appropriation et un approfondissement de divers faisceaux culturels) que vous avez accomplis jusqu’ici ne valent absolument rien. »

Encore une fois, quand il s’agit d’un petit salon à côté de chez soi, les choses sont un peu différentes, ce ne sont pas tout à fait les mêmes enjeux – bien que je continue à penser qu’une intervention de type conférence ou lecture publique doit être rémunérée, parce qu’il s’agit bel et bien de compétences professionnelles.
À dire vrai, à titre personnel, quand un salon qui a lieu à une demi-heure, trois quarts d’heure de route me demande si je peux venir (sans me rémunérer ni me défrayer, donc un travail sans paie), en général, j’accepte pour le temps d’une journée. Parce que je suis sensible à la diffusion et au partage de la culture – or, et bien que cela puisse paraître paradoxal, cet article défend la culture et sa transmission dans des conditions saines. Mais offrir (par expérience, en salon généraliste, les ventes de mes livres rapportent juste de quoi payer le trajet aller-retour) aux gens de ma région une journée de travail de temps en temps, j’estime que c’est déjà bien et que je n’ai pas à dépenser mon propre argent pour faire vivre la culture dans une ville alors que ni la mairie, ni la région, ni les divers mécènes et partenaires ne le font. Parmi tous ces acteurs, sans compter les visiteurs du festival eux-mêmes et les potentielles librairies, pourquoi serait-ce à l’auteur-e, la personne qui permet, à la base, que le salon ait lieu, de payer pour y travailler gratuitement ?

Enfin, pour rendre les choses peut-être plus claires : je suis bénévole. Pour une association que j’ai choisie, dont je défends l’esprit et les entreprises, qui touche un domaine qui me passionne. Et qui n’a rien à voir avec mon métier d’auteure. Je vais tenir des stands, je fais le tour des boutiques en ville pour leur demander si elles veulent bien prendre nos flyers, je corrige leurs communiqués, je me lève plus tôt et je pars plus tard pour installer les stands lors des festivals. Il y a d’un côté cette passion que je cherche à faire connaître au-delà des préjugés, et de l’autre, il y a mon métier. Mon métier.
Apparemment, dans certain milieu culturel, il semblerait que ce mot soit trop compliqué à comprendre.

 

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Concours « Le Gardien de la Source » (émotions, tout ça, tout ça…)

Bah vous savez quoi? Moi, ça m’a émue de le voir lancé…
Le jour où Florence (de Pygmalion) m’a envoyé la couverture de Miesis (si, vous savez, la super belle qui parle tellement bien du roman qu’on croirait que c’est l’illustratrice qui l’a écrit!), la réalité de la publication a fait un grand pas pour moi. Bien sûr, il y a eu le contrat, mais ça remonte à loin maintenant. Bien sûr, il y a eu les corrections. Mais après des années à corriger les autres (chez FJM Publications, puis pour les fanzines de Lutetia Lacrimae et de Transition) et à recevoir les retours de Jessica, mon alpha-beta first in my life, les corrections n’ont plus vraiment de valeur effective dans le sens où je ne les relie pas à l’étape « publication ».

Bien sûr, il y a eu la 4e de couv. La première fois que je ne l’écris pas moi-même, où je découvre comment une autre personne a perçu mon roman et sous quel angle elle préfère le présenter. La preuve aussi – il faut bien le dire – que j’ai monté d’un échelon dans les maisons d’édition. Ce jour-là, bah oui, recevoir ce petit bout de texte à valider, ça m’a touchée.

Le Gardien de la Source : un roman gothique et romantique, romance historique et fantastique, écrit par Vanessa Terral

Et, hier, il y a eu le concours.
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Une petite pensée pour… « Clamatlice » bis

Il y a un mois environ, je postais un article dans la catégorie « Une petite pensée pour… » dédié à Clamatlice. Vous pouvez le (re)lire en cliquant ici, si vous le souhaitez.  Pourquoi est-ce que je reviens dessus, alors qu’il me reste tant d’autres nouvelles à vous faire découvrir? Eh bien, parce que ce mois écoulé illustre avec beaucoup de justesse et d’à-propos les hauts et les bas que peut connaître un auteur.

Suite à une déception, je finissais le billet par un quasi « Jamais plus ». En tout cas, la conclusion avait de forts accents d’amertume et de souffrance.
Puis il y a eu les dessins de Terryjil, une amie de l’ « ancien temps » toujours présente dans le nouveau. Il y a eu les messages de soutien de plusieurs lecteurs, via Internet ou face à face, lors de salons. Et surtout, il y a eu Lullaby.

 

Les illustrations de Terryjil,
qui sont venues embellir la page consacrée aux Vagues de Clamatlice

vagues_clamatlice_noota

vagues_clamatlice_murene

vagues_clamatlice_noota_surfe

pluie_clamatlice

 

Lullaby, Magali de son prénom, est passée un dimanche après-midi au salon Zone franche, à Bagneux. Elle n’a pas pu rester longtemps car elle faisait l’aller-retour dans la journée. Malgré les centaines de kilomètres qui nous séparent et le fait qu’on ne se voient vraiment pas souvent (on s’est connues sur Internet et on échange surtout par ce biais), je l’apprécie beaucoup et j’aurais tendance à avoir foi dans ses avis.

Lorsqu’elle s’est arrêtée au stand du Chat noir, elle m’a très vite dit qu’elle avait lu le recueil en une soirée, voilà quelques jours à peine. Puis elle m’a dit qu’elle l’avait beaucoup aimé et tout ce que Clamatlice lui avait apporté. Ses propos exacts resteront entre nous (nan mais, bande de petits voyeurs! 😛 ), toutefois je peux vous assurer que ce qui rayonnait d’elle avait une telle force, une telle émotion que cela m’a profondément marquée. C’était comme si sa lumière venait guérir les mauvais coups pris en février, les effacer d’un souffle.
Je me sens désormais plus sereine vis-à-vis de Clamatlice. Lullaby m’a aidée à me rappeler à quel point chaque lecteur/trice est un individu unique et complexe, à quel point ses émotions et sa sensibilité sont importantes et vibrantes et peuvent me toucher et me guérir à travers un témoignage qui arrive au bon moment, avec l’intensité adéquate.

Hier, Lullaby a mis en ligne son avis sur Clamatlice (si vous souhaitez le lire, c’est par ici). Sa chronique, comme de nombreuses chroniques (en particulier celles de personnes avec lesquelles je peux échanger, que ce soit essentiellement par Internet comme Strega des Carnets de lecture d’une livropathe, ou par Internet et grâce à des salons littéraires), m’a beaucoup touchée, m’a rassurée (les auteurs sont de grands anxieux, c’est bien connu) et a nourri le « feu sacré » de mon écriture (ouais, shônen powa!  XD  ). Néanmoins, ce qui restera longtemps, très longtemps dans mon esprit, c’est l’image de Magali penchée sur moi alors que j’étais assise, toute cabossée derrière le stand, de ses yeux brillants et de son large sourire, un petit air de lutin accroché au visage, tandis qu’elle me parle de Clamatlice. Et l’émotion si chaude qu’elle portait en elle à ce moment-là.
Merci Magali.  🙂

 

Une petite pensée pour… « Le Corset de sang »

Eh oui, « Une petite pensée pour… » est déjà de retour! Il faut dire que la dernière n’a été postée que dimanche dernier, le délai est court… Mais vous aurez le temps de souffler après celle-ci puisque je ne serai pas en mesure d’en écrire une la semaine prochaine, pour une excellente raison. Certain(e)s d’entre vous savent que je suis praticienne Reiki, au niveau de maître (le 3e dans ma lignée)… Eh bien, je passe mon degré d’enseignante la semaine prochaine!  \^^/
J’ai respecté les délais conseillés de deux années entre chaque degré, cela fait donc six ans que je pratique le Reiki quasi-quotidiennement, six ans qu’il est entré dans ma vie pour complètement la changer – en bien, si vous vous posez la question.  😛
Bon, ça a un peu rien à voir avec mon activité d’auteure, mais je suis tellement contente que voilà…  😀

Après cette parenthèse « Youplaboum les p’tits zozios », laissez-moi vous présenter la nouvelle de cette semaine: Le Corset de sang, publiée aux éditions du Riez dans l’anthologie Les Sombres Romantiques.

sombres-romantiques

Cliquer sur l’image pour accéder à une librairie numérique

Cette anthologie est le bébé de l’illustrateur Mathieu Coudray. Mathieu avait réalisé des tableaux pour une exposition (je crois me souvenir) et souhaitait leur donner une seconde vie. Il a donc proposé à six auteurs de s’approprier ses créations et d’écrire une nouvelle dessus. Je me suis empressée d’accepter, d’autant que celui que j’ai pu « récupérer » me plaisait beaucoup. La fin de l’histoire était écrite dans son dessin… À moi d’inventer une interprétation qui la rendrait intéressante, alors que n’importe qui, devant la page d’ouverture présentant cette jeune femme allongée sur un lit, le poignet tailladé, pouvait se douter qu’une anthologie nommée « Les Sombres Romantiques » n’allait pas présenter un prince à panache blanc et son armure étincelante venant sauver la jouvencelle au dernier moment.

 

Cliquer sur l’image pour accéder au site de Mathieu Coudray, dit Maz


 

Je ne me souviens plus très bien des circonstances de toutes les influences de la nouvelle… Je me rappelle que les ongles verts (remarquez, ils sont peut-être noirs, je les vois verts) de la miss m’avaient inspirés, de même que les fleurs autour d’elle et l’oreiller vert en fond. Attendez, c’est ça: je suis partie de l’opposition entre le rouge et le vert. Tout le récit, l’intrigue se sont axés là-dessus.
J’avais appris peu de temps avant la théorie des couleurs opposées de Goethe – je devais donc être dans ma période Gensômaden Saiyuki, de Kazuya Minekura (on ne le dirait pas, mais je suis une ex-grosse fan de mangas et, accessoirement ancienne pigiste à Manga Spirit et Otaku – et Shôjo Mag, eh oui… sous le pseudo de « Choupette », mais ceci est une autre histoire). Dans ce manga – ou, plus exactement, dans l’anime que je regardais à l’époque –, on voit un avion en papier orange voler dans le ciel bleu clair (je précise, le bleu foncé étant lié au jaune). Le passage fait allusion à cette théorie. Théorie qui met en relation le vert et le rouge, donc (oui, ‘faut suivre!  ^^;  ).

Le nom de Goethe avait fourni du grain à moudre à mon petit brain-moulin. L’intrigue s’est placée d’elle-même au XIXe siècle, l’héroïne étant une fan du Moine de Lewis. Je me suis aussi, et abondamment, inspirée des Encyclopédies du maître Pierre Dubois. Je me demande s’il n’y avait pas un peu du Tour d’écrou, aussi…
Cette nouvelle est l’une de celles que j’ai le plus ciselées, prenant grand soin de l’ambiance, reposant sur la poésie de la prose… Seules les nouvelles permettent de créer de tels textes ; les romans sont trop longs et si je peux me lancer dans un paragraphe ou deux de la sorte, j’aurais du mal à tenir une distance plus longue, sans compter que ça prendrait beaucoup plus de temps et… Bah, que je ne suis pas certaine que des lecteurs accrochent, parce que ça doit être lourd au bout d’un moment.
Mais sur les nouvelles, ça passe bien. Celles d’Hélianthe sont aussi travaillées de la sorte, et Ralvn, parue dans Dames de lune, Fées des brumes et aujourd’hui disponible à la pièce, en numérique.

Parce que tel est le terrible sort des anthologies illustrées, comme Les Sombre Romantiques et Dames de lune, Fées des brumes : elles ne sont pas rééditées. Trop cher, avec les dessins à l’intérieur et surtout en couleurs! (Wah, ça rime!) Aussi, il y a à peu près un an, Mathieu m’a contactée pour savoir si j’accepterais que la nouvelle soit publiée en format numérique, au sein de l’antho. Évidemment, j’ai signé de suite, trop contente que le texte soit de nouveau disponible pour, j’espère, votre plaisir esthétique!  😉

L’antho est préfacée par Nathalie Dau et j’ai eu le plaisir de me trouver aux côtés de Cyril Carau, Jacques Fuentealba, Céline Guillaume, Philippe Havick et Jess Kaan.
Mince, je me rends compte que je suis la seule dont le nom commence par une lettre de la seconde moitié de l’alphabet…  XD

Sur cette remarque très intéressante, je vous laisse avec le lien vers une librairie numérique française et indépendante, et avec le trailer (ouais, on avait même droit à un trailer, classe x2 !! ).

Les Sombres Romantiques sur Immatériel

 

 

Une petite pensée pour… « Les Vagues de Clamatlice »

« Une petite pensée pour… » qui s’est faite attendre. J’ai sauté celle de la semaine dernière, celle d’aujourd’hui a pris quatre jours de retard… Pour me faire pardonner (j’espère), je parlerai cette fois-ci non pas d’une nouvelle, mais de deux!
Les Vagues de Clamatlice est un recueil réunissant la nouvelle éponyme et une seconde se déroulant dans le même univers: Saison de pluie sur Clamatlice. Les histoires prennent place – comme vous vous en doutez – sur une planète s’appelant « Clamatlice ». Petite présentation…

 

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Pour accéder à une librairie numérique, cliquer sur l’image

Clamatlice, un monde bien loin de notre Terre, surprend les voyageurs par ses plages de sable vert, ses deux lunes, sa végétation singulière et son surnom : la Planète aux Mille Pensées. Les premiers colons évoquent parfois, à mi-voix, des créatures gigantesques et une nature guidée par une forme de conscience. Bien entendu, les nouveaux arrivés – tel Noota, un jeune surfeur – ne croient pas à ces superstitions…
Jusqu’à ce que Clamatlice murmure à leur esprit.

Il s’agit de planet opera. J’ai découvert ce sous-genre de la SF justement en publiant ces nouvelles, grâce à Aude Bourdeau, directrice de la collection E-courts aux éditions Voy'[el]. Jusque-là, je pensais que Les Vagues appartenait au space opera.  ^^;
Mais bon, laissons là ces considérations techniques qui, finalement, n’ont pas vraiment d’importance pour qui veut apprécier ces histoires.  🙂

 

J’ai écrit Les Vagues de Clamatlice pour illustrer le type de récits que je recherchais pour Éveil. Il s’agit de l’une des deux collections de l’association Transition, que j’ai fondée. Il m’a toujours été difficile d’expliquer ce que j’attendais comme ambiance et je m’étais dit qu’une nouvelle serait plus parlante. Déjà à l’époque, j’avais ouvert le monde à la co-création. Ce parti-pris a été conservé: comme vous pouvez le lire à la fin du recueil, les auteurs et les illustrateurs qui souhaiteraient créer dans cet univers le peuvent. Pour les auteurs, d’ailleurs, les éditions Voy'[el] regarderont leurs soumissions avec beaucoup d’intérêt – et moi aussi!  😉

La Planète aux Mille Pensées est née de ma tendresse pour les mangas Aqua et Aria, mais aussi de ma fascination pour les œuvres de Hayao Miyazaki. J’ai en tête des films comme Laputa, Nausicaä de la vallée du Vent (que j’ai vu en cassette piratée lorsque j’étais ado, il y a une quinzaine d’années). J’ai découvert Ponyo sur la falaise il y a quelques semaines, grâce à Arte il me semble: toute la partie post-inondation, avec l’eau claire, d’une limpidité bénie, qui recouvre les routes, avec des créatures aquatiques revenues des temps anciens… Cette ambiance étrange, d’un jour nouveau, où les humains arrêtent leur train-train quotidien pour s’entraider et s’adaptant merveilleusement vite et bien à la nature pourtant transfigurée, voilà une émotion qui m’a guidée lorsque Clamatlice est née en moi, lorsque j’ai créé les histoires s’y déroulant.

Saison de pluie sur Clamatlice a été une histoire de commande. Pourtant, on m’a dit plusieurs fois qu’elle était la plus touchante des deux. D’un autre côté, je l’ai écrite comme ça. Aude m’avait annoncé qu’il manquait quelques centaines de signes pour correspondre aux gabarits de la collection et m’avait proposé de rallonger Les Vagues. J’ai refusé: pour moi, la nouvelle était exactement comme elle devait être et je ne voulais pas diluer le goût de la soupe en rajoutant de l’eau dedans, parce qu’un convive supplémentaire se présentait. J’ai préféré cuisiner un dessert!  =^.^=

Sans entrer dans les détails, disons que plusieurs éléments de Saison de pluie sont tirés de mon histoire personnelle. D’habitude, j’évite: je ne suis pas là pour raconter ma vie. Mais ici, pour le temps de ce tout petit récit, je me suis autorisée à soulever un coin du drap qui protège ma vie privée. Je crois que c’est ce qu’ont senti les personnes qui sont entrées en résonance avec la petite Luccine. C’était l’occasion: une mini-histoire à la fin d’un diptyque, juste une gourmandise en fin de parcours, et l’univers de Clamatlice se prête magnifiquement bien à ce genre de récit – je le sais par les influences, les germes qui lui ont donné naissance.

 

Illustration d'Aurélya – cliquer sur le dessin pour accéder à son DA

Luccine par Aurélya – cliquer sur le dessin pour accéder à son DA


 

Cependant, début février, une mauvaise expérience est venue se lier à ce petit recueil dont je suis si fière. En fait, j’ai reçu le compte-rendu des ventes et j’ai découvert que seuls 28 exemplaires ont été vendus en huit mois. Si on enlève les proches, on tombe à 23, peut-être 25 exemplaires. Je dois dire que ça m’a mis un coup au moral. Je me suis demandé pourquoi y avait-il eu si peu de ventes, surtout que les quelques chroniques sont bonnes – même très, très bonnes. Est-ce parce qu’il s’agit de la première publication de la collection, parce que la couverture n’est pas « parlante »? A-t-il été noyé sous les publications de la collection Micro Walrus, qui a débuté un mois et demi avant et a su davantage occuper la scène webienne, pour un principe similaire – d’où possible confusion?
Dans ces moments-là, on se demande pourquoi se donner autant de mal, pourquoi continuer à faire des SP, proposer des personnes pour que la maison leur en envoie – et les blogueuses ont gentiment écrit un article, très vite même, et je leur suis reconnaissante de s’être pressées et d’avoir autant aimé le recueil, d’avoir partagé –, bref, pourquoi ces efforts (les miens comme ceux des autres), peaufiner un texte que les lecteurs trouvent bon, en écrire un second, partager sur FB et Twitter, pourquoi se donner tout ce mal pour 3 achats par mois? Et le prix du recueil n’est pas dissuasif – pas à 0,99€.
Je sais que je ne devrais pas parler de ça, parce que ça ne se dit pas. Mais c’est une réalité, de ce côté-ci de la plume: le découragement. Pendant plusieurs jours, ces chiffres m’ont totalement démoralisée. Je partage une part d’émerveillement dans une des formes les plus pures que j’ai pu lui donner, avec ce recueil, pour si peu de personnes qui l’ont recueillie… J’ai communiqué dessus, beaucoup – et toutes les critiques sont bonnes! –, pour si peu d’échos.

En début d’année, je prévoyais écrire un nouveau récit se déroulant dans ce monde, une histoire inspirée par une chanson du SongBook n°4 de Cécile Corbel (une chanteuse dont je vous recommande les albums, surtout les SongBooks n°2 et 4). Après avoir reçu ce mail, je me suis dit « Plus jamais. » Le projet est devenu comme mort dans ma poitrine.
Aujourd’hui, je me surprends à repenser à cette histoire en écoutant la chanson. Je ne sais pas si elle se fera ou pas. Et de toute manière, si l’histoire naît, elle possèdera cette tache provoquée par le choc reçu lors de sa gestation.
La vie est la plus forte, certes, mais je suis triste à la pensée de cette histoire si douce qui a été frappée alors que je la portais, toute fragile, en moi.

 

 

Une petite pensée pour… « Au fond des solitudes de métal et d’agate »

Bonsoir et bienvenue pour ce troisième billet d’ « Une petite pensée pour… » !  ^^

Je vous invite aujourd’hui à découvrir la nouvelle Au fond des solitudes de métal et d’agate. Un titre fort long, mais les amateurs de poésie française et de Baudelaire en particulier devineront immédiatement quelle est la figure marquante de ce texte…  😉
Allez, parce qu’ils sont beaux et envoûtants, vous trouverez ces deux poèmes en fin d’article.  =^.^=

Donc, Au fond des solitudes de métal et d’agate… Ce récit est mon tout premier « quelque chose » opera. Eh oui, avant même le planet opera des Vagues de Clamatlice, je m’étais lancée dans un space opera saupoudré de magie, d’héritage familial et de sorcellerie et croyances du XVIIe siècle. Il est paru dans l’anthologie Ghost Stories tome 1, qui a eu très peu de chroniques (et de lecteurs?), principalement à cause d’une faible communication dessus (et, à mon avis, de la couverture qui est belle, mais pas vendeuse).

Ghost-Stories-aux-editions-Asgard

La couv’ en question

Vous pouvez découvrir une chronique longue et complète sur le site de Psychovision (cliquer ici). On a même eu droit à un petit mot dans l’émission n°2 de Rêves et Cris !  ^_^
Et pourtant, j’ai l’impression que les lecteurs sont passés à côté de sa sortie. Et puisqu’on en est dans les confidences, il m’arrive de l’oublier aussi – un comble, quoi! D’un autre côté, n’est-ce pas le propre des revenants d’être impalpables, aux frontières de notre vision et de notre conscience? 😛

Pourquoi vous en parler aujourd’hui? Eh bien, déjà, parce que l’anthologie est désormais disponible au format numérique, de quoi lui donner un second souffle grâce à un prix réduit: 5€ au lieu de 19€.
Version numérique > cliquer ici

Ensuite… Il n’y a pas de seconde raison, en fait. Mais en réfléchissant au texte que j’allais aborder aujourd’hui, il m’est venu à l’esprit de vous entraîner vers ce récit très particulier. Quand j’en ai eu l’idée, je ne savais pas trop si ça allait marcher ou pas: trop de mélange des genres, trop « qui part dans tous les sens avec un enrobage de mystères ». On m’avait parlé de cet appel à textes sur les fantômes. J’ai alors utilisé ma super technique bien connue: essayer d’attaquer le sujet par un angle inattendu. Ça a été de le placer dans le futur.
Nous suivons ainsi les hallucinations et les délires d’un mécanicien employé à bord d’un vaisseau spatial. Dans ses rêves lui apparaissent d’étranges créatures, petites et fluides, qu’il n’a jamais vues (la réponse à l’énigme est dans le titre… et les poèmes en fin d’article!  😉 ). Il me fallait intégrer à ça (au moins) un fantôme et je voulais retomber dans mon travers habituel: exploiter les croyances et le folklore.
Cet aspect-ci m’a été soufflé par mes visites à Rouen. Je m’y suis rendu quatre ou cinq fois dans le cadre de ma licence professionnelle et cela a été une belle occasion de découvrir la ville. L’un de lieux les plus connus est l’aître Saint-Maclou, qui abrite aujourd’hui l’École régionale des Beaux-Arts. Pour en savoir plus sur cet endroit, je vous propose de cliquer ici.  🙂

Photo du site « Cimetières de France et d’ailleurs »

L’autre fil conducteur de la nouvelle, qui s’est affiné au fur et à mesure de la création du scénario, consistait à ne pas opposer morts et vivants. Bien sûr, c’est une histoire de fantômes, donc il faut des moments inquiétants, mais j’étais gênée par l’habitude qu’on a, surtout dans le cinéma, de dépeindre les morts comme des perturbateurs indésirables , voire agressifs, dont les vivants doivent à tout prix se débarrasser pour poursuivre une existence normale. J’ai essayé de mettre l’accent sur une autre voie, notamment par le thème de l’héritage et par la scène finale, que j’ai eu beaucoup de joie à écrire.
… En y réfléchissant aujourd’hui, je pense que le message de cette action à la fin du récit est : « Ils ne nous laissent pas tomber. Nous avons toujours une chance, au-delà des frontières que nous nous infligeons – entre les espèces, entre les vivants et les morts… »
Tout cela au milieu d’une ambiance assez glauque dans laquelle le héros et son entourage sont persuadés qu’il est en train de péter les plombs!  😛

 

Place aux poèmes !

Attention, si vous ne voulez pas connaître qu’elles sont ces créatures avant d’avoir lu la nouvelle, n’allez pas plus loin…  ^^

 

Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

Amis de la science et de la volupté,
Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres ;
L’Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;

Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

Les Chats, in Les Fleurs du Mal

 

Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux :
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d’agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s’enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.

Le Chat, in Les Fleurs du Mal itou!

 

Une petite pensée pour… « Attraction solaire »

Bienvenue à ce deuxième mercredi « Une petite pensée pour… », qui revient sur mes précédentes créations et leurs conditions!

Je n’avais pas prévu de parler de suite d’Attraction solaire, la nouvelle bonus qui prend lieu deux ans après la fin des événements racontés dans le feuilleton initial de Cinq pas sous terre. Mais hier, en partant pour le salon Ô thé divin – où je vais écrire au moins une fois par semaine –, j’ai eu une bouffée de folie et je me suis dit: « Allez, parlons salons de thé! »

J’ai commencé à écrire dans les salons de thé à Paris, en compagnie de Marie-Anne Cleden. Nous nous retrouvions une fois par semaine au Tea Corner et dégainions nos ordis portables aussitôt le déjeuner dégusté. D’ailleurs, c’est à cette occasion que Marie-Anne a commencé à narrer les aventures de Mary, une histoire qui vient de sortir en numérique…  😉
[Pour découvrir Mary’s Blues, cliquer ici.]

Quand je suis arrivée sur Toulouse, j’ai recherché un ou deux salons de thé où travailler. Beaucoup m’ont dit « non », ou « oui », mais à condition de prévenir et systématiquement, j’étais rappelée le jour suivant pour annuler.
Je n’osais pas demander à l’Ô thé divin. C’est un super salon de thé, aux gâteaux absolument savoureux (pour moi, les meilleurs des salons de thé toulousains). Il est tout le temps bondé, surtout le midi grâce à leurs délicieux scones salés (j’ai découvert les scones salés chez eux et c’est une tuerie!  *__*  ).

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J’arrive vers 14h30 et là, ouf! Il y a de la place. ^^

L’ambiance est très agréable, on flotte sur un petit nuage de détente dans ce salon clair, avec un soupçon de mignonittude et de rococo – juste ce qu’il faut pour être charmé! Un jour, je me suis dit: « C’est bête de ne pas demander, quand même. On ne sait jamais. »
Eh bien, j’ai eu raison d’oser!   =^____^=

Pascal, le gérant et pâtissier extrêmement doué, a accepté de me confier une table les fois où je viendrai, l’ordinateur sous le bras. C’est d’ailleurs lors de l’une de ces séances d’écriture que j’ai commencé la rédaction d’Attraction solaire. (Eh oui, je n’oublie pas le but de ces mercredis, j’y viens j’y viens!)

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La décoration au-dessus du comptoir, vue de la mezzanine.

Lorsque mon éditrice m’a annoncé qu’il y aurait bel et bien une édition papier de Cinq pas sous terre, j’ai très vite décidé d’écrire une nouvelle bonus. Les cinq épisodes existants me paraissaient bien minces pour une version reliée. J’ai alors lancé le sondage du genre et / ou du thème auprès des lecteurs (résultats en cliquant ici), puis je me suis mise à réfléchir aux intrigues, évidemment. Mais il y avait autre chose, un parti-pris qui me tenait à cœur: profiter de cette occasion pour parler des lieux auxquels je voue un attachement particulier. Il y a le restaurant La Petite Marie, le Jardin japonais du parc Compans-Caffarelli et, vous l’aurez compris, Ô thé divin!   =^__^=

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J’ai ainsi tenté, par ma plume, de rendre compte des plaisirs que j’ai découverts dans cette ville. Apparemment, le pari est réussi car on m’a fait la remarque que cet épisode était plus aéré, plus optimiste. D’un autre côté, appartenant autant que possible au genre de la Romance (tout en gardant son fond d’aventure occulte), il fallait bien introduire un peu d’espoir dans ce récit à la base très noir, où l’on ne propose de quitter Charybde que pour rejoindre Scylla.

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Nous vaincrons le pessimisme à grands coups de pâtisseries! Oh que oui! XD

Tel était l’état d’esprit avec lequel j’ai abordé ce bonus: un partage de mes joies toulousaines et la volonté de redonner un peu d’espoir dans cet univers que j’avais bâti dans un fonctionnement très égocentré (mot inventé, mais tout le monde comprend, non?) des personnages. Autre point, un détail, certes, mais auquel j’accordais beaucoup d’importance: je voulais parler de la raison pour laquelle les vampires deviennent cendres au soleil. Je suis, je dois dire, assez fière d’avoir trouvé une explication convaincante dans cet univers et je voulais à tout prix la partager – ce que l’intrigue m’avait refusé jusque-là. J’étais aussi un peu gênée de terminer sur une fracture dans la relation entre Muriel et Jabirah, alors qu’il me semblait qu’il restait des possibilités à exploiter. Et puis, quelques intrigues demandaient à être résolues, notamment celle du frère de Jabirah. Là au moins, c’est plié!  😛

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En général, je préfère la mezzanine: comme les chats, j’aime bien être perchée. =^.^=
(Ici, ma table est celle au fond, à droite.)

Quant à la raison pour laquelle j’aime écrire dans les salons de thé… Je me suis rendu compte que j’avais besoin de mon petit cocon pour créer sereinement. Certes, dans ces endroits, avec les conversations et la musique, j’ai parfois du mal à conserver ma bulle sonore. Pour ça, j’utilise les écouteurs et une musique d’une intensité constante au bon niveau, de façon à créer un brouillage (toute une technique). En plus, comme l’Ô thé divin n’a pas le Wi-Fi (en tout cas, pas celui auquel j’ai accès automatiquement), je peux vraiment me concentrer sur la création sans me dire que j’ai encore un mail auquel répondre, surveiller un retour ou régler un détail.
Les salons de thé sont des endroits où se trouve ce que j’aime (comprendre: de bons thés, des jus de fruit ou des chocolats chauds si besoin, des pâtisseries…) et où j’ai l’impression que l’on prend soin de moi. Étant détendue à cet égard, je peux porter mon attention sur autre chose: les histoires que je porte en moi.…
D’ailleurs, je me demande s’il n’y a pas une corrélation symbolique et profonde entre le fait d’être un contenant détendu et laisser s’écouler de soi une histoire arrivée à maturité. Il y a là quelque chose du relâchement, comme un fruit mûr qui se détache de l’arbre. À méditer pour une prochaine fois!  😉

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La lumière d’ambiance était rouge, j’ai essayé de contrebalancer autant que possible… En tout cas, voilà à quoi ressemble ma table de travail! ^___^

J’aime aussi partager ces moments de création avec des amis. En ce moment, il s’agit de Célia Melesville, illustratrice et auteure de ses arts…  🙂

Et pour terminer sur un dernier clin d’œil, avez-vous vu le fanart d’Attraction solaire, sur la page consacrée à Cinq pas sous terre? Que tient Muriel dans sa main droite, hum? Hé hé…

Une petite pensée finale pour l’Ô thé divin de Toulouse, et au Tea Corner de Paris avant lui, ainsi qu’aux quelques autres salons où j’ai pu écrire et où j’écris occasionnellement. Merci beaucoup de me permettre de créer en toute sérénité!  ^O^

 

Une petite pensée pour… « L’Étincelle en moi »

Voici donc le tout premier « Une petite pensée pour… », une rubrique qui prendra lieu tous les mercredis et qui reviendra sur l’un de mes textes – surtout les méconnus. En ce 5 février, à une poignée de jours de la fête païenne d’Imbolc, je me dis que l’occasion fait le larron et que le choix est déjà tout désigné. Je vous propose de revenir sur la nouvelle L’Étincelle en moi, publiée dans l’anthologie Saisons païennes (éd. du Chat noir).

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Le principe de cette anthologie est que chaque auteur s’approprie l’une des huit fêtes dites « païennes »: Samhain, Yule, Imbolc, Ostara, Beltaine, Litha, Lughnasadh et Mabon. Or, comme par un fait exprès, le collectif des enfants de Walpurgis comptait, à cette époque, huit auteurs! Nous retrouvons donc Ambre Dubois, Angélique Ferreira, Marianne Gellon, Céline Guillaume, Cécile Guillot, Bettina Nordet, Stéphane Soutoul et moi-même.
La couverture est de Cécile Guillot et chaque nouvelle se voit précédée d’une illustration en noir et blanc réalisée par Serafina.

Voilà, les présentations officielles sont faites, je peux revenir sur les conditions de création de cette antho!  ^^
Quand Cécile nous a présenté l’idée, j’étais assez enthousiaste. Je connais très bien ces huit célébrations pour les pratiquer. Aussi, ai-je proposé de prendre la fête qui resterait, celle dont personne ne voudrait, puisque je me sentais apte à écrire sur chacune. Bon, je dois reconnaître que j’avais fait une petite liste de celles qui m’inspiraient le plus et, justement, Imbolc y figurait.

Imbolc, fête blanche des perce-neige et du lait des brebis, célébration lustrale où l’on se purifie de la poussière et de la grisaille de l’hiver pour se prépare à accueillir le printemps. Il s’agit aussi de la fête de la flamme intérieure. Yule est la première étincelle, que je perçois davantage comme une étincelle cosmique (Yule a lieu lors du solstice d’hiver). Avec Imbolc, on est invité à souffler sur ses propres braises – d’où le titre: L’Étincelle en moi.

Imbolc est aussi une fête dédiée (entre autres) à Brigit, dont Belisama est l’un des visages. Les lecteurs de L’Aube de la Guerrière doivent voir de qui je parle…  😉   Bref, quand on m’a annoncé que j’écrirais sur cette célébration, je savais déjà que ça se déroulerait dans l’univers de L’Aube et que, d’une façon ou d’une autre, Belisama serait de la fête (si je puis dire…  😛 ). D’ailleurs, petit point de vocabulaire: les pratiquants appellent ces célébrations des « sabbats ». Eh oui, danser tout nus sous la pleine Lune porte un autre nom: des « esbats ».
J’ai donc vu là une très belle occasion de parler un peu plus de la relation très forte qui unit Helena, la nephilim, et la déesse. Bien entendu, j’ai tourné les éléments, les sujets abordés, les ambiances de façon à faire ressentir à un(e) lecteur/trice qui ne connaît pas cette fête les thèmes principaux (la lustration ; la flamme intérieure, vacillante, qu’on doit protéger et nourrir). Le ton est moins truculent que dans le roman – mais Imbolc ne s’y prête pas (davantage les fêtes de printemps et d’été). Il s’agit plutôt d’un réveil calme, doux et timide, à l’image de la jeune fille qui est le visage de la Déesse (pour les adeptes du couple Déesse-Dieu, ou de la Grande Déesse) en cette période de l’année.
Ça va, je n’ai perdu personne?  😛

Avec le recul, je ne sais pas si mon choix a été judicieux, d’un point de vue éditorial. En tant qu’auteure, quelque part, je ne pouvais pas faire autrement, mais elle détonne quand même par rapport aux autres nouvelles, j’ai l’impression. De plus, parler paganisme avec une héroïne à moitié ange et poursuivie par les anges et les démons, ça a de quoi perturber…  ^^;
Enfin, je pensais qu’une petite présentation des huit célébrations serait faite en fin de l’anthologie et qu’elle donnerait les clefs de compréhension des différents sabbats. Cela n’est pas le cas. Les lecteurs ne s’attendent peut-être pas à des références faites par allusions et auraient préféré quelque chose de plus démonstratif et/ou explicatif. Du coup, n’ayant pas forcément les connaissances nécessaires pour comprendre les éléments que j’ai glissés, la lecture passe à côté. C’est un problème qu’a également soulevé ma correctrice pour la nouvelle à paraître chez Argemmios, dans l’antho Le Butin d’Odin. J’essaie de rendre fluide la lecture et l’action afin de ne pas encombrer l’esprit du lecteur par des données « brutes », ce qui pourrait le faire sortir de son implication dans le récit, mais ce parti-pris se fait au risque de larguer ledit lecteur et qu’il en reste au premier degré d’interprétation.

Bref, au final, tout cela donne une petite nouvelle très poétique, toute en symboles même si l’action ne manque pas. 🙂
J’espère que les quelques éléments que je viens d’apporter vous aideront à mieux la saisir.

À très bientôt pour une nouvelle « Petite pensée pour… » !

 

Anthologie Saisons païennes (cliquer ici pour accéder à la boutique)

Vous pouvez découvrir les dernières chroniques publiées sur L’Étincelle en moi chez Dawn, Coquelicote et Anne & Marie.

 

On est ce dont on se nourrit

J’ai toujours eu la conscience aiguë de ne pas être la seule auteure de mes récits. Dans cette alchimie intime de la création, lorsqu’on respire cette brise si ténue qui nous apporte la graine de nos rêves liminaires, c’est la vie elle-même – la nôtre, celles autour de nous, celles des personnes qui nous ont précédées, des générations d’anciens qui ont rêvé, espéré et souffert – qui s’infiltre dans le creuset de notre âme.

« On est ce dont on se nourrit. » Je le savais déjà, mais je n’avais pas compris tout ce que cela impliquait.

Depuis mon enfance, j’ai écouté les autres vies. Les grandes trames des croyances, ces archétypes et ces motifs si profondément ancrés en nous tous qu’on les nomme « inconscient collectif ». Je vivais à la campagne, très seule des autres humains, mais pas de la vie – jamais de la vie. Croyez ou non au Petit Peuple, il y a dans la nature des fragments de conscience, comme des éclats de miroir dont on n’est jamais certain de saisir le tranchant ou le reflet de notre propre psyché. Mes premiers récits parlaient de ces vies et de la solitude de la mienne. Je crois que, quelque part, il en est toujours ainsi.

« Toutes les bonnes choses sont libres et sauvages. »

« Toutes les bonnes choses sont libres et sauvages. »

Mais je m’éloigne de mon propos. « On est ce dont on se nourrit », mon leitmotiv, la corrélation parfaite entre les mythologies, les légendes et le folklore (« savoir du peuple ») que je dévore et les récits que j’écris. S’il s’agit bien de mes doigts sur le clavier, nous sommes nombreux à les mouvoir. Les personnages eux-mêmes s’y mettent, dans cette pirouette si bizarre expérimentée par tant d’auteurs, quand ces petits bonhommes imaginaires prennent vie au point de décider de leurs réactions, au grand dam du scénario. On trouve aussi dans les pages de mes livres l’esprit même de la ville ou des lieux où se passent mes récits – car tout endroit possède son âme propre, qu’il soit nature ou béton. Il y a ces profondeurs infinies dans lesquelles je me plonge avec un émerveillement sans cesse renouvelé: la grande toile, la trame des êtres, qui compte plus de trois ou quatre dimensions. De même qu’un conte dépend des conditions historiques et géographiques de sa naissance, il renferme également une strate d’interprétations psychanalytiques, puis une (voire plusieurs) de symbolisme. Cette nourriture est si riche, si merveilleuse de complexité!
Sans aller si loin, combien d’auteurs ont été inspirés par une chanson? Cela m’est arrivé plus d’une fois, et ces dernières semaines encore, grâce à Le Long de l’eau de Cécile Corbel: une image et une émotion jaillissent, on s’en nourrit, on les digère (ou on les cultive, si vous souhaitez une plus belle image) et apparaît non seulement la trame du récit, mais aussi sa couleur. Et surtout, le plus important, ce qui fait la différence entre un assemblage de mots et l’organisme animé: l’étincelle de vie.
Le plus impressionnant, le miracle qui me sidère à chaque fois, c’est qu’en revenant sur la chanson qui a créé cet embryon, on découvre tel refrain, tel vers ou idée qui éclaire d’un jour nouveau la trame qu’on avait commencé à tisser. L’œuvre insuffle un sang frais – toujours aussi pertinent car il est parent de la création littéraire autant que moi – au jeune récit encore fragile. Je réalise alors que cette possibilité avait toujours été présente dans mon être, qu’elle tendait vers le soleil de l’œuvre première, se faufilant le long des choix scénaristiques que j’avais faits. Mon inconscient, relié aux autres (le collectif, celui de l’artiste, et ceux que je n’identifie pas mais dont je sens la présence), a fourni le terreau qu’il fallait, s’assemblant avec ses alter pour parvenir à la composition qui fait de moi un creuset unique – de la même façon que chaque humain l’est –, transmettant le schéma à l’histoire elle-même.
Je suis une grille de cryptage. Je peux choisir de me brancher à telle ou telle source, je peux travailler mon style afin de mériter le cadeau que les vies me font, mais j’ai l’intime conviction que la matière ne m’appartient pas – je lui appartiens, nous tous baignons dedans. Et c’est merveilleux ainsi, c’est exactement ce qui doit être!

Tout cela, je le savais déjà. Alors, quelle est cette nouveauté, cette compréhension récente dont je vous ai parlé?
Pour cela, touchons à un autre thème: les conditions de création. Je n’écris bien que lorsque je suis sereine, heureuse. Par qu’on est ce dont on se nourrit, et que je veux – c’est mon choix en tant qu’individu, en tant qu’être social, en tant qu’artiste – transmettre de l’espoir. Bon, parfois, je me fais plaisir avec un petit récit bien glauque, je le reconnais. Mais je suis partie de très loin dans l’ « anespoir »*. Même si les coups durs ont continué, les choses se sont améliorées avec les années – aussi parce que je me suis battue pour, parce que je l’ai choisi. Et je choisis d’apporter à ceux qui me lisent de l’espoir, sans nier la dureté ni la violence du monde. Pourquoi en rajouter une couche? Ça serait presque criminel.
* « anespoir », avec son « a(n) » privatif = « sans espoir ». Je le différencie du « désespoir » qui est connoté de déprime, dépression.

Je sais que certains auteurs, les « artistes maudits », ne peuvent créer que lorsqu’ils sont malheureux, qu’ils vont mal. Peut-être dans une tentative d’extraire ainsi ce qu’ils ont en eux et qui les rongent? Il s’agit d’un processus que je ne connais pas et j’évite de tirer des conclusions qui seront forcément erronées. Je constate qu’ils parviennent à sublimer ce mal, et c’est une démarche alchimique d’une grande qualité. Ce n’est pas ma voie.
Tout simplement parce que…

« J'ai décidé d'être heureux parce que c'est bon pour la santé. » (Voltaire)

« J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé. » (Voltaire)

Un peu de légèreté pour dédramatiser tout ça!  😉

Mais voilà la grande révélation. Pour que je puisse « bien » créer, il faut que je sois heureuse. Et dans mes conditions de vie actuelle, dans notre société française, bien connue pour être dépressive et se rouler dans le pessimisme… Bah, ce n’est pas évident. On ne paraît intéressant et profond que du moment qu’on semble torturé et / ou cynique. On méprise les « gentils », les aimables, les doux. Pourtant, on fuit ceux qui sont vraiment malheureux, que le « système » piétine réellement – mais c’est un autre problème, un autre combat, que je n’aborderai pas davantage ici.

Il faut que je sois heureuse. Quel dilemme! Et de quel droit, moi, je serais heureuse?
Déjà, être heureux est une décision, un combat à mener au jour le jour. La lutte se fait contre soi-même, contre les horreurs qu’on a pu nous dire à l’aube de notre vie (à ce sujet, l’article de Jessica, de LivrAddict, tombe au bon moment), contre les coups du sort, contre le regard des autres et leurs propres schémas qui tentent de s’imposer à nous. C’est oser se déconstruire soi-même, perdre ses repères, perdre l’espoir qu’on a chèrement acquis pour partir sur des bases plus saines. En attendant, on souffre. Le complexe du homard n’est pas réservé qu’aux adolescents. Mais, enfant, j’ai su résister. J’ai pleuré, j’allais mal, j’ai souhaité que la souffrance disparaisse, mais le plus important en moi a survécu: je suis encore reliée aux merveilles de la vie – et, honnêtement, je ne sais pas trop comment cette gamine a réussi ce prodige. Sans doute « la Trame » l’a-t-elle aidée, elle qui s’y accrochait si fort.
L’adulte que je suis à présent ne peut faire moins.

Alors, j’affronte l’avis et le regard des autres en flemmardant. Je lis, j’écoute de la musique, je profite, immobile des minutes entières, de la beauté de l’instant sauvage d’un paysage, d’un rayon de soleil doré comme une brioche. Je commence enfin à écouter la voix « libre et sauvage » en moi qui me détourne de mon devoir pour me laisser simplement vivre.

« La vie est un mystère qu’il faut vivre, et non un problème à résoudre. »
Mahatma Gandhi

La joie est un combat. Il faut parfois choisir d’être heureux, violemment, avec ténacité. Il faut parfois s’amputer de la déprime qui commence à nous ronger. Il faut choisir ses cibles, sur lesquelles on va se concentrer pour mettre de côté les hurlements de souffrance du champ de bataille – qui, pourtant, ne cessent de résonner en nous, de nous ordonner d’avoir peur, de fuir. Contrairement à ce qu’on croit, la joie n’est pas passivité. Son aboutissement mène à la sérénité, mais il s’agit du repos du guerrier, après son épuisement dans une lutte invisible, que personne ne connaît ni ne reconnaîtra à part lui-même, et encore…
Et il y a ces fois, nombreuses, où l’on perd la bataille. Le désespoir est plus fort, l’accablement s’installe. Chacun a sa façon de réagir à ces périodes noires de nos existences, mais une des choses importantes est d’accepter qu’elles arrivent, de leur reconnaître le droit d’exister. C’est d’une autre lutte qu’il s’agit, une guérilla, un affrontement d’usure. Conserver ses forces pour l’instant où l’ennemi ouvrira une brèche et où l’on aura recouvré suffisamment de forces pour s’y précipiter.
Parce que la société nous a façonnés de sa violence, être heureux est une guerre.

Je fais le choix de la joie en repoussant les remords, la petite voix qui me dit que je devrais être active, produire. Parce que durant ces longues heures, durant ces journées entières, je sens grandir en moi un nouvel arbre, le réseau vivant d’une histoire, de personnages, des lieux et des épreuves qu’ils affronteront.
Durant tout ce temps, la Trame et moi attendons un enfant. Et il faut croire que je suis de celles que la maternité littéraire épanouissent.

Cette nouvelle façon de vivre que j’entame comporte son lot d’ennuis et de souffrance. Faire plus attention à mon bonheur signifie refuser des choses que j’accordais avant. Comme je l’ai déjà dit, c’est faire passer le devoir après, et donc paraître paresseuse et / ou irresponsable – et même, se sentir paresseuse, flemmarde, avoir peur que mon époux me le reproche. De façon plus générale, j’ai longtemps souffert du rapport à autrui et il m’est toujours difficile de faire totalement fi de leurs opinions. Mieux vaut avoir la (très grande) chance d’être entouré au quotidien de personnes compréhensives.

Enfin, je suis malgré tout une « artiste maudite ». J’ai dû faire le deuil de mon désir d’écrire vite et bien, extirper de moi mon mouvement d’envie face aux nombreuses publications que je vois certains auteurs sortir à tour de bras, dans des maisons toujours plus prestigieuses. J’y travaille encore, car c’est difficile de ne pas se comparer à autrui, de se dire qu’on est moins performant, dans notre société où ladite performance est si importante et l’une des principales valeurs sur lesquelles on juge un individu. Et puis, j’aime mes histoires et je leur souhaite d’être lues par le plus de monde possible – parce que j’y mets une part de vie, ou de « vérité », dedans et que j’ai à cœur de croire que cette part répandra son écho dans l’esprit du lecteur.

Je suis une artiste maudite dans notre société pressée car j’ai décidé de laisser les histoires grandir à leur rythme. Les auteurs qui écrivent plus vite que moi le font aussi sans doute, je ne sais rien là-dessus et je n’en suis pas juge. Je sais juste que chez moi, cela prend du temps: ce qui a de forts risques de refroidir les éditeurs potentiels ; ce qui signifie que malgré tous mes efforts pour faire connaître mes récits autour de moi, j’aurai toujours une longueur de retard. Parce qu’on ne bouscule pas la vie, je serai un peu à la traîne.
Parce que la vie n’est pas linéaire, mais prolifération parfois d’apparence anarchique, il se peut que j’interrompe un travail pour en réaliser un autre. Ainsi ai-je arrêté quelques semaines d’écrire Nuits chthoniennes pour commencer et boucler une novella qui me poussait aux tripes, alors que les Nuits intéressent potentiellement le plus gros éditeur que je n’ai jamais eu. C’est un risque, une peur, la crainte d’être jugée comme « pas sérieuse » par l’éditeur. C’est aussi le sentiment d’être vivante, magnifiquement vivante dans la beauté des nuits où souffle le vent des étoiles.

Aujourd’hui plus que jamais, je veux faire correspondre mes écrits à mon éthique d’existence, dans ce que j’y transmets, dans ce qui coule de moi à travers les sons, les images, dans ma façon de faire venir l’histoire au monde.
« On est ce dont on se nourrit. » Ma vie, toutes ses facettes, mes expériences et mes émotions nourrissent mes récits, et la Trame nous nourrit tous deux, mon œuvre et moi.
Faire le choix de la joie comporte sa part de risques, car il s’agit d’une lutte et tout combat renferme un côté sombre. Mais…

« Ça fait du bien d'être perdue dans la bonne direction. »

« C’est tellement bon d’être perdue dans la bonne direction. »


 

Je dédie cet article aux vies qui m’entourent, et en particulier, puisqu’il s’agit d’un post sur Internet, à toutes les vies si lumineuses, si généreuses qui me soutiennent et qui aident ma propre lumière à se maintenir quand les ombres essaient de l’étouffer.
Merci à vous. Vous êtes l’une des sources de nourriture que j’ai choisi de privilégier, que j’ai choisi d’ajouter en abondance dans le tamis alchimique que je forme. « On est ce dont on se nourrit. » Mes histoires auront un petit goût de vous.  🙂
Soyez pour toujours dans la Trame.

 

« Plumes d’auteure », des billets d’écriture

Voilà quelque chose que je n’avais pas prévu, il y a une semaine à peine, alors que je notais mes bonnes résolutions sur ce blog : l’envie de partager avec vous mes évolutions, mes questionnements, mais aussi tous ces petits déclics qui parsèment le chemin de la création, et plus particulière de la création littéraire.

Je ne suis pas certaine d’en écrire souvent. Il se pourrait que certains s’avèrent assez courts. Tous les billets ne seront pas profonds, emplis d’une réflexion à la pertinence élevée et magnifié par l’expression d’un point de vue artistique unique. Déjà, un seul qui réunirait ces caractéristiques serait à fêter au Monbazillac.

Bon, de toute manière, j’aurai d’autres occasions d’en déboucher (na!).

Vous pourrez trouver ces billets de deux manières :

  • par le tag « Billets d’écriture », dans le nuage de tags situé dans le menu vertical à droite et nommé: « Retrouver les annonces par thèmes » ;
  • par la catégorie « Plumes d’auteure », accessible par un lien tout en haut du menu vertical de droite (sous le titre « Plumes d’auteure »).

J’espère que je réussirai à exprimer ce qui m’habite quand j’écris, quand je crée…
Cette profonde légèreté de la trame vaporeuse
Cette fragilité abyssale de la musique des lettres

Bien à vous,
Vanessa